D’où vient ce principe d’Onde Verte ?
Dominique Bourgoin : Ce dont nous allons parler est le fruit d’une collaboration d’Azap avec le cabinet Diagma, expert en Supply Chain. L’onde verte désigne en général une technique de régulation de trafic de véhicules qui circulent sur une voie ayant plusieurs intersections successives. Ces intersections sont équipées de feux tricolores. Le principe est le suivant : une voiture qui roule à la vitesse de l’onde verra les feux passer au vert à son approche. Pour les Parisiens, l’exemple typique de l’onde verte, est le boulevard Saint-Germain. Avec tous les feux au vert, il faut compter 6 minutes pour parcourir ses 3 km à 30 km/h. Notre projet Onde Verte exploite ce principe pour planifier la production.
Quel est le lien entre les flux de circulation et de production ?
DB : Dans l’Onde Verte, nous faisons une analogie entre les villes et les usines. L’outil industriel s’apparente à une ville, dans laquelle chaque machine peut être vue comme un carrefour. Et chaque gamme de production est un parcours dans la ville.
Très souvent, la planification de production se fait par étapes successives de transformation de produits. Une fois réalisée la première transformation, le produit semi-fini est stocké, en attendant que la machine suivante soit disponible. Dès que cette machine est disponible, la production se poursuit. Et de nouveau se construit un stock en attendant la transformation suivante.
L’objectif de l’Onde Verte est de planifier les flux pour que les étapes de transformation s’enchaînent sans attente et sans stock. En fait, il s’agit de réduire le délai de production à la somme des temps opératoires. L’Onde Verte va ainsi planifier le parcours de production pour répondre à la demande, en supprimant les attentes.
D’accord sur le principe de l’Onde Verte, mais pouvez-vous l’expliciter pour la production ?
DB : L’Onde Verte repose sur les notions de « lignes virtuelles » et de « patterns répétitifs ». Le principe consiste à créer des lignes virtuelles de production cadencées. Ce sont des enchaînements d’étapes de fabrication qui minimisent les délais de production et permettent d’aboutir à un produit (fini ou semi-fini). Notons que nous parlons de lignes « virtuelles » car il n’est pas question de déplacer physiquement les machines dans les ateliers. En revanche, l’objectif est bien d’établir un planning de production synchronisé pour ces lignes virtuelles.
Mais l’idée ne s’arrête pas là. En fait, les lignes virtuelles sont en concurrence les unes avec les autres par rapport à la disponibilité des machines. Une étape importante de la méthodologie est donc aussi d’identifier les incompatibilités entre ces lignes virtuelles. Le but étant d’aboutir à un planning répétitif de production pour répondre à la demande. Par exemple, pour la production de verres décorés, on va décider que telle famille de flacons sera lancée toutes les semaines, le mercredi. Une autre ligne de flacons sera lancée, toutes les deux semaines, le lundi. Et ainsi de suite pour l’ensemble des produits demandés.
Notons que, bien souvent, cette démarche s’adresse plutôt aux produits à flux très importants. On va donc traiter ainsi plutôt 80% de la demande des plus gros produits. Les autres produits vont s’insérer au jour le jour, et peut-être à la commande, dans le planning déjà préétabli.
Quelle démarche suivre pour définir les lignes virtuelles Ondes Vertes et les patterns répétitifs ?
DB : Pour déterminer les lignes virtuelles et les patterns répétitifs, nous avons établi une méthodologie en quatre phases :
- 1 : cartographie des flux de production
- 2 : recherche des Ondes Vertes ou lignes virtuelles,
- 3 : recherche des patterns répétitifs d’Ondes Vertes,
- 4 : modélisation dynamique qui intègre les aléas et simule très rapidement un très grand nombre de plannings réels pour choisir le pattern le plus robuste.
Quels résultats peut-on attendre de l’Onde Verte ?
DB : Les résultats sont multiples. L’Onde Verte contribue à réduire les délais de fabrication et les stocks d’en-cours. Elle peut aussi permettre de réduire les investissements par une meilleure utilisation de l’outil industriel disponible. Elle contribue de plus à apporter de la sérénité aux équipes de fabrication en stabilisant le plan pour une certaine période. Automatisée, la démarche d’optimisation peut être revue si les paramètres évoluent de manière significative.
Plus concrètement, en biochimie, l’Onde Verte a montré que l’on pouvait augmenter la production de 18% et diviser par 12 les délais de fabrication (1 mois au lieu de 12). D’où une augmentation du CA, de la marge brute, une réduction des émissions de CO2 et la possibilité de repousser des investissements.
De même, dans la fabrication de flacons de verre, L’Onde Verte a réduit les délais de fabrication de 6 à 1 mois. Ce qui a permis de diminuer les stocks d’en-cours, d’augmenter le cash-flow et de gagner en sérénité.
Enfin, chez un fabricant de parfums, la synchronisation des flux de fabrication et de conditionnement a permis de vider les cuves systématiquement pour les libérer. Et donc de diviser par trois le nombre de cuves pour une vingtaine de jus.
Pour mieux comprendre la méthodologie de « l’Onde Verte » et les exemples de résultats, regardez la vidéo de présentation ci-dessous :